Un chemin de promesses by Edouard Cortès & Mathilde Cortès

Auteur:Edouard Cortès & Mathilde Cortès [Cortès, Edouard & Cortès, Mathilde]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Récit, voyage
ISBN: 9782845633551
Éditeur: XO Éditions
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

1er octobre. 107e jour. 2859 kilomètres

Il marche en costume. Quinze kilomètres depuis 7 heures du matin. Il a soixante-dix ans. Ses pieds lui font mal. Cela nous rappelle notre première semaine de douleurs après notre départ de Paris. Il se déchausse pour la deuxième fois et cherche en vain à atténuer ses souffrances. Il enfile une autre paire de chaussettes, espérant qu’elles le protégeront mieux. Les autres fois, nous explique-t-il, il n’avait pas des chaussures vernies et neuves comme aujourd’hui. Cette route qui relie Kaçanik, son village kosovar, à Skopje, la capitale de la Macédoine, Sami l’a déjà parcourue deux fois. La première fois, il avait vingt ans. Il devait acheter un ouvrage pour ses études que l’on ne trouvait qu’à Skopje, alors yougoslave. Ne pouvant payer et le train et le livre, il avait opté pour la marche et le livre.

Il s’arrête pour souffler un peu. Délace ses chaussures. Se cache derrière un arrêt de bus pour fumer une cigarette loin du regard des autres. Nous sommes en plein ramadan.

— Nous, Albanais, on est presque tous musulmans. Moi, je pratique à ma manière. C’est vrai que quelques islamistes ont débarqué ici depuis 1999. Ils profitent de la pauvreté pour acheter les Albanais afin qu’ils adhèrent à leur doctrine. Vous savez, on ne gagne pas beaucoup ici. Cinquante pour cent de la population a moins de vingt ans et il y a presque cinquante pour cent de chômage. Alors, quand un imam d’Arabie Saoudite ou d’ailleurs vous propose cent ou deux cents euros par mois pour porter la barbe ou le voile, on comprend que certains le fassent.

La cigarette n’atténue pas son mal de pieds. Pourtant, il marche en tête. Depuis l’aube, nous le suivons.

— Tenez, regardez : c’est la cimenterie où j’ai travaillé pendant des années. Grâce au précieux livre que mes pieds m’avaient permis d’acquérir, j’ai pu étudier. Je suis devenu comptable dans cette usine. Mais les communistes m’ont licencié, car j’appartenais déjà à un groupe favorable à l’indépendance du Kosovo.

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